ChatGPT : une opportunité pour (réinventer) le métier de recruteur ?

ChatGPT n’est pas le premier outil qui soulève de nombreuses questions sur l’avenir de nos métiers. Déjà LinkedIn avait suscité de vives réactions annonçant la mort des cabinets de recrutement. Or, il n’en fut rien. Nombre d’entre eux ont su exploiter sa force à leur avantage et ainsi faire valoir leur valeur ajoutée. En effet, l’identification des candidats se faisant auparavant de façon assez chronophage en s’appuyant sur une liste exclusive d’entreprises concurrentes, de leaders, de challenger. LinkedIn a permis de gagner du temps sur ces étapes et les cabinets ont progressivement misé sur leur capacité de discernement et d’analyse, ce qui leur a permis de faire la différence. En définitive, les cabinets en danger étaient ceux qui ne vendaient que de l’identification de talents… ChatGPT comme toute nouvelle technologie apporte son lot de questions et de craintes, créant une forme de disruption, mais il s’inscrit finalement dans le prolongement d’un phénomène que l’on observe depuis plusieurs années et dont les entreprises ont su tirer profit dès lors qu’elles avaient compris qu’il leur permettait de créer de la valeur ajoutée.

ChatGPT s’inscrit donc dans la liste des nouveaux outils à la disposition des cabinets de recrutement. Le temps qu’il fait gagner est toutefois incomparable. Il peut rédiger des modèles de fiches de poste et des brouillons d’offres d’emploi, comme établir la liste de compétences à rechercher en rapport avec un métier. Il est également en mesure de réaliser des traductions de bonne qualité et d’enregistrer des interviews puis d’en fournir une synthèse. Néanmoins, pour parvenir à extraire le meilleur de ce chatbot, il est indispensable d’avoir conscience de ses failles. Certes, il est capable de compiler rapidement les informations dans toutes les langues et sans fautes, mais ne vérifie en aucun cas l’exactitude des renseignements, ne fournit pas les sources et ne distingue pas les fake news. Une “éducation” préalable s’avère par conséquent nécessaire pour bien avoir en tête que ce qu’il écrit n’est pas parole d’évangile.

Ce n’est pas commettre une erreur que de voir en ChatGPT un formidable outil pour affûter son expertise. En lui confiant toutes les tâches chronophages, le recruteur va pouvoir aller plus en profondeur sur les spécificités de l’entreprise, en cerner les contradictions, les forces et les moteurs. Il aura plus de temps à allouer à la compréhension des besoins de ses clients et pourra aller au-delà des compétences métier attendues pour être capable de raisonner en fonction de sa position sur son marché. Ce sera cette intelligence de la situation et sa capacité de conseil qui fera la différence. Il pourra en outre se concentrer davantage sur l’humain et avoir une plus grande qualité d’échange avec son interlocuteur. Exit le “simple recruteur” et place au partenaire de carrière en mesure de proposer l’évolution qui correspondra le mieux au talent face à lui.

Finalement, ChatGPT et l’IA, au sens large, sont l’occasion pour les métiers du conseil en recrutement et de nombreuses autres activités de replacer l’humain au cœur de leurs enjeux. Celui qui remportera le Graal sera celui qui saura faire preuve de discernement, personnaliser sa prestation et aller en profondeur sur l’ensemble des sujets clés. À quand un nouvel outil qui combinerait les algorithmes de LinkedIn et la puissance de ChatGPT pour offrir un gain temps phénoménal ?

Hymane Ben Aoun est Directrice générale du groupe HumanSkills et présidente du cabinet Aravati. Depuis juin 2021, Hymane Ben Aoun est également Présidente de la commission « Métier Recrutement » de Syntec Conseil, pour un mandat de 3 ans. Cette commission réunit les 100 principaux cabinets de conseil en recrutement français et représente la profession. La commission porte une charte de déontologie et a co-rédigé la charte du recrutement responsable avec les associations de DRH.