Métiers de bouche : le numérique de proximité
9 septembre
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On suit avec attention la digitalisation des métiers liés aux nouvelles technologies, mais on se rend moins compte que les métiers les plus traditionnels évoluent aussi. Et loin de toute contrainte ! De la Food Tech à l’Ag Tech, en passant par l’e-commerce et la food science, les métiers de bouche imposent leurs concepts innovants.
Les métiers de bouche ? C’est le secteur lié à la fabrication, à la transformation, à la commercialisation des produits et mets relevant de l’alimentation humaine : boulanger, charcutier, boucher, pâtissier, poissonnier, traiteur, etc. Le secteur recrute sans cesse, mais la concurrence y est très forte : on compte en France plus de 90 000 commerces de bouche.
Passionnés, bosseurs et incollables sur leurs clientèles, ils sont aussi créatifs. Ils ont toujours fonctionné au bouche à oreille et le web en est la continuité moderne. Ne leur manquait que la maîtrise des outils. Certains ont appris tandis que d’autres ont su s’entourer. Une chose est sûre, les métiers de bouche n’ont pas raté le virage du numérique. Ils sont toujours plus nombreux à prouver que le respect de techniques éprouvées et l’aspiration au naturel n’empêchent en rien l’innovation.
LA PRODUCTION SE ROBOTISE
Pour répondre aux contraintes de sécurité et d’hygiène toujours plus strictes, satisfaire les exigences de qualité et de quantité et rendre certaines tâches moins pénibles, les artisans s’équipent de technologies de pointe et connectent de plus en plus leurs équipements : robots et fours entièrement programmables à distance, balances connectées aux caisses, sondes et poubelles connectées au backoffice pour suivre au jour le jour les relevés sanitaires et les pertes, etc.
Ils sont même précurseurs en termes de robotisation : les robots culinaires, notamment pour préparer les pâtes, sont entrés dans les cuisines dès les années 60 ! Côté producteurs, les premiers robots à traire les vaches remontent au XIXe siècle, et l’on teste depuis plusieurs décennies des robots capables d’arroser et traiter les plants et champs, ou encore de récolter. Au-delà des évidents progrès en termes de performance, ce qui a changé, c’est cette possibilité d’interagir avec des machines désormais connectées entre elles.
FOOD TECH
Lorsque des technologies digitales sont utilisées dans le domaine de l’alimentation, tous secteurs confondus, on parle de Food Tech. C’est la grande tendance. L’élevage ou la culture assistée par ordinateur, évoqués plus tôt, en sont une branche : on parle d’AgTech. Les secteurs les plus exposés sont la food science (création de produits nouveaux via l’usage de technologies émergentes) et surtout le e-commerce de bouche (nouveaux services liés à la restauration : livraison de plats à domicile, foodtrucks, coaching alimentaire, etc.). La concurrence est extrême et le marché toujours plus sectorisé : slow food, vegan, raw cooking, bistronome, zéro gâchis, bio, diet, tradi, bref, on affirme sa personnalité dans l’assiette.
E-COMMERCE DE BOUCHE : MENACE OU TREMPLIN ?
En 2012, de jeunes professionnels lancent lescommis.com pour les citadins qui rêvent de concocter des repas gastronomiques lorsqu’ils reçoivent. Ils proposent un choix de recettes et livrent tous les ingrédients préparés et épluchés au domicile des clients qui n’ont plus qu’à réaliser les dernières étapes de leur plat. Le site a trouvé ses clients avec plus de 300 000 paniers commandés.
A l’instar de ces pionniers, de nombreux acteurs digitaux se ruent sur le secteur pour imposer de nouveaux concepts innovants : vente à distance de repas préparés en cuisine, kits prêts à cuisiner (Frichti, Kitchen Trotter, etc.), sans compter les initiatives collaboratives (Mon Voisin Cuisine, VizEat, etc.). Elles révolutionnent les usages dans le secteur de la restauration en mettant en lien offre et demande, de particulier à particulier. Cette offre nouvelle, couplée à la grande tendance du snacking de luxe (foodtrucks, etc.), a d’abord été regardée avec méfiance, voire défiance, par les professionnels de l’alimentation. Cependant, indirectement, elle sert toutes les branches des métiers de bouche puisqu’elle entretient l’attirance des Français vers une cuisine de bon goût et plus saine. Conscients que la bonne cuisine passe d’abord par de bons produits, ils réinvestissent les petites productions locales et les commerces spécialisés. Ils ne désertent pas les restaurants, qu’ils fréquentent, comme les foodtrucks, en testeurs invétérés.
SOIGNER L'EXPÉRIENCE CLIENT
Nombreux artisans ont su tirer profit de cet attrait constant pour la nouveauté. Ainsi, les boulangers surfent sur la vague du snack élaboré, tandis que les bouchers, poissonniers et cuisiniers (qui se réinventent, pour certains, en chefs à domicile) exploitent le filon du semi-cuisiné à finir chez soi pour épater ses proches. Dans les deux cas, ils doivent pouvoir garder du temps pour assurer leurs services classiques, et éviter de faire patienter une clientèle hyperactive. En conséquence, le click & collect et la livraison à domicile investissent les commerces de bouche ! Le client commande en ligne, choisit son horaire et n’a plus qu’à récupérer ses achats au comptoir dédié, ou se fait directement livrer chez lui ou au bureau.
Dans le même esprit, les restaurants ne sont pas en reste : les tablettes remplacent petit à petit les menus traditionnels. Les plats sont mieux valorisés, de sorte que les tickets moyens augmentent. Les clients peuvent commander directement via la tablette et peuvent à tout moment appeler un serveur via un bouton dédié : le personnel peut se concentrer sur le conseil et les pourboires augmentent, eux aussi, significativement.
SHOWROOM EN LIGNE
Pour rester compétitifs vis-à-vis des exigences modernes, les professionnels de l’alimentaire prennent progressivement le réflexe web et réseaux. Aidés par de jeunes recrues formées aux nouveaux usages, ou par des startups dédiées à la transformation des commerces de bouche, ils se créent des sites vitrine ou commerçants soignés et y présentent produits, nouveautés et services personnalisés. Par ce biais, ils renforcent le lien de proximité et cernent de mieux en mieux leurs clients. Ils peuvent ainsi développer de nouvelles offres plus en phase avec leurs besoins. Quant aux réseaux sociaux, c’est bien simple : ils sont le bouche à oreille moderne. Par leur biais, les artisans se démarquent en présentant nouveaux concepts et produits, fidélisent en proposant recettes, tutos et promos à leurs habitués, et intéressent de nouveaux publics, notamment grâce à la clientèle qui véhicule leur image et installe leur réputation.
EMPREINTES DIGITALES
Le digital et la technologie sont aussi des moyens de ramener sur le devant de la scène des produits entrés dans les habitudes. Ainsi, les imprimantes alimentaires sont exploitées en restauration, en boulangerie ou en biscuiterie pour personnaliser galettes et baguettes ou révolutionner l’apparence de produits traditionnels (gâteaux, pizzas, etc.).
WORLDWIDE GASTRONOMIE
Si l’emploi est toujours à chercher côté petits commerces et dans la grande distribution, les débouchés se développent aussi à l’export. L’engouement hors de France pour les produits et les créations de la boulangerie française ne faiblit pas. Les nouvelles technologies permettent aux producteurs et créateurs de se faire connaître à l’échelle internationale, voire d’exporter leurs produits beaucoup plus facilement.